Et Amande, les yeux un peu bouffis, les cheveux ébouriffés ; Amande, légère dans sa robe à fleurs, qui traîne les pieds dans les couloirs nocturnes, la tête remplie d'étoiles. Cachés sous les couvertures, les relents d'histoires abracadabrantes, mêlées d'effluves de vieilles pages jaunies et d'encre fraîche. Elle quitte ses livres, petite fille ; aux bras d'un cauchemar qui a rejoint ses rêves quand elle s'est assoupie. Et de l'étreinte des monstres hurlants, elle disparaît, happée par celle, infiniment plus douce, de Marc.

Marc, retrouvé là, avec toujours cette tendresse qui répond présente à ses origamis. Alors Amande, fillette encore redevenue, se presse un peu contre son torse.

▬ Merci.

Parce que c'est Marc.
C'est le sourire un peu doux au fond des yeux, et c'est toutes ces choses gentilles jetées en pagaille. C'est ses bras, encore, qui ne manquent jamais de l'accueillir, quand elle tremble de ses cauchemars marionnettes, et quand elle sourit, émergeant des mondes merveilleux de ses livres.

▬ Dis, Marc, pourquoi on fait des cauchemars ?, elle murmure. Tu crois qu'une fois, on pourra aller dormir à la belle étoile ? Dans les champs de mes grands-parents, tu sais, là où il y a tout plein de coquelicots.

Et Amande qui sourit, qui remue un peu, dans l'étreinte de ses bras ; Amande qui regarde bouger ses lèvres, tout prêt. Et Marc est toujours là, alors elle sourit des échos de cette voix rassurante. Et un rire, tout doux, qui éclate ; un rire communicant, auquel elle répond de bon coeur. Alors, Amande pose un doigt sur les lèvres de Marc, et le fait glisser, tout doucement, concentrée sur ce souffle tendre. Oubliés les monstres dans l'instant d'une caresse qui s'étire.

— On ira cet été.

Et c'est une promesse pour elle et pour lui, pour la certitude d'un avenir plein de bonheur.

— Tu sais, Nikola, il dit qu'on n'embrasse que les gens qu'on aime.

Et Amande, en cet instant, c'est surtout une moue dessinée sur des lèvres de gamine.

— Ça veut dire que je dois arrêter ?

C'est forcément vrai. Un peu comme les relents de tristesse qui percent dans sa voix brisée, un peu comme l'étreinte dans laquelle elle se perd, un peu comme son sourire qui pâlit. C'est leur vérité sur fond de tendresse murmurée. Alors, sur les joues d'Amande, glissent quelques larmes, doucement ; échos des émotions qui s'entrechoquent dans son coeur. Silencieuse, elle renifle un peu, et puis elle se glisse hors des bras qui l'enlaçaient pour s'asseoir un peu plus loin sur le lit. Peut-être que c'est vrai.

— Mais.

Et Amande, en tailleur un peu plus loin, s'adosse au mur, toute droite, un peu crispée. Elle se perd dans son air qui se voudrait un peu sérieux, gâché par ses larmes. Elle n'est pas jolie, Amande ; elle est juste là, déchirée par les pleurs, hoquetant dans le t-shirt trop grand du meilleur ami de son frère.

— Marc.

Au fond, elle n'est rien qu'une fillette qui écrase ses larmes sur ses paumes glacées.

— Ne me regarde pas. Je. Je devrais pas pleurer en public, enfin, je-

Elle n'est pas jolie, Amande ; elle est juste là, avec les cheveux en pagaille, les joues rosies, et elle lève quand même ses yeux bouffis vers Marc, parce qu'il est là, lui. Et un murmure s'échappe de ses lèvres, des mots, claqués tendrement.

— Si, je t'aime bien.

Et, silencieuse, elle se laisse câliner, fillette. Elle a les mots qui résonnent dans sa tête, tous, un peu en vrac, les mots doux, un peu comme une tendre litanie. Et puis elle se recroqueville un peu sur elle-même dans les bras de Marc, Amande, elle se fait toute petite, juste là. Et elle écrase ses larmes contre lui, finit enfin par étouffer ses pleurs. Elle est heureuse quand même, parce qu'elle est là, au chaud dans cette étreinte un peu calme. Et quand elle parle un peu, ce n'est qu'un murmure qui s'échappe de ses lèvres.

—Je ne sais pas. C'est ... Tout ça, l'émotion. Mais. C'est fini, c'est pas grave. Merci, Marc.

Elle relève la tête, pour lui sourire un peu. Et puis elle s'appuie un peu plus contre lui, pour presser ses lèvres contre les siennes, un instant. Une seconde, elle laisse glisser un doigt sur la joue de Marc, concentrée dans cette unique geste. Elle songe, calme, qu'il ne devrait pas pleurer. Et elle est un peu plus jolie comme ça, avec son sourire d'enfant, petite Amande.

—Je t'aime fort, même. C'est bien, non ?

Et elle a l'air heureuse.

— Si tu pouvais faire un vœu, toi, tu souhaiterais quoi ?

Et il a l'air heureux, Marc, avec ses bras qui s'étendent dans l'air, et ce sourire d'enfant. Alors elle lui sourit en retour, laissant simplement sa voix le bercer. Elle souhaiterait qu'ils soient déjà enroulés dans leurs sacs de couchage, au beau milieu d'un des grands champs de ses grands-parents, à regarder les belles étoiles briller dans le ciel français. Elle a ça dans le coeur, Amande, les rêves de bonheur simple qu'elle retrouve dans ses livres.

— C'est d'accord, je vais essayer, si tu veux.

Elle ferme les yeux une seconde ; sa bouche s'étire en une moue de réflexion.

— Je ne sais pas quoi souhaiter. Je voudrais que tu sois heureux. On souhaite toujours ça aux gens qu'on aime. Et puis de toute façon, il ne faut souhaiter les malheurs de personne, tu ne crois pas ? Aanor serait d'accord avec moi, j'en suis sûre.

Elle rit un peu.

— Comment il va, d'ailleurs ?